« Nous aimons autant nos champs et nos villages que les tours de La Rochelle »
La lettre est téléchargeable ici
Monsieur le Président,
Le baron Haussmann avait fait le choix, au profit des beaux quartiers de l’ouest parisien, de sacrifier le nord et l’est de la capitale, avec les conséquences que l’on connaît aujourd’hui. Deux siècles après, faut-il marcher dans ses pas et refaire les mêmes erreurs à La Rochelle en sacrifiant l’est de l’Agglomération ?
Pourtant, vous avez déclaré, lors du
Conseil communautaire du 28 janvier, que vous pouviez « comprendre
l’opposition d’habitants ayant des éoliennes sous leurs fenêtres ».
Doit-on en conclure que comprendre n’est pas entendre, puisque vous persistez à
soutenir l’implantations d’une trentaine d’éoliennes sur l’agglomération, sous
nos fenêtres ?
Éoliennes : totems d’un territoire sacrifié pour « Rupella first ».
Les communes sacrifiées seraient
considérées, avec des signes visibles à des kilomètres alentour, comme un
réceptacle des activités industrielles indésirables repoussées loin de la belle
ville de La Rochelle.
Comment accepter une telle injustice
sociale, même au nom du « territoire zéro carbone » de La Rochelle ?
Vous affirmez avec force vouloir agir
pour le climat. Mais agir pour la planète, c’est aussi préserver l’avenir de la
ruralité et des habitants d’implantations sauvages d’éoliennes qui marqueraient
nos vies pour des décennies. De plus, comment faire évoluer les zones rurales et
agricoles vers une transition écologique vertueuse si elles sont minées par des
éoliennes ?
Il y a une réalité au sein de
l’Agglomération : l’habitat y est dispersé au sein de villages proches les
uns des autres, qui se sont développés ces dernières années. Même si l’on est
favorable à l’éolien en général, il faut admettre que notre territoire rochelais
n’est pas propice au développement de l’éolien, si l'humain, son cadre de vie,
la notion de bien-être, font bien partie de l'environnement. Et pas seulement en
centre-ville ou sur le littoral. Sauf à soutenir une vision égoïste « Rupella
first ».
Un territoire au zéro carbone sélectif
C’est un beau projet et une opportunité
pour réduire l’empreinte carbone, avec des financements importants. Nous
pourrions y adhérer sans réserve, si en même temps les subventions de plus d’un
million d’euros pour l’aéroport et celles pour le développement du port par le
tout camion (car sans infrastructure ferroviaire), ne venaient ternir le tableau
et rendre encore plus contestable la « compensation » qui nous serait
imposée avec des éoliennes.
Nous avons ainsi le sentiment d’être
les victimes collatérales d’une part d’affichage écologique, voire d’une vision
datée de la transition énergétique, sous-estimant la préservation des
paysages, de la santé et du cadre de vie en zone rurale qui sont des éléments
essentiels du développement durable.
De plus, la France produit déjà une
énergie électrique décarbonée et différents aspects de l’éolien terrestre
méritent à tout le moins d’être questionnés : pollution et assèchement des
sols, financements offshores, saturation des paysages, nuisances sonores et
environnementales, coût pour les finances publiques, …
Un
guide paysager pour passer en force ?
Vous annoncez dans le magazine de
l’agglomération « Point commun » la réalisation de ce guide « pour
encadrer l’éolien ». Vous y associez les maires dans un « Comité de
pilotage ». Mais pour quoi faire si vous avez DÉJÀ décidé qu’il faille
ériger 30 éoliennes sur le territoire ? Ce guide serait-il d’abord un piège
pour enfermer élus et associations dans un faux débat ? Pourquoi demander
à des maires qui votent contre les implantations d’éoliennes avec leurs conseils
municipaux de contribuer à élaborer un guide POUR encadrer
l’éolien ?
Ce guide aura aussi un effet d’aubaine
pour les promoteurs, comme l’a eu la charte de 2018.
Un moratoire est indispensable.
De nombreux élus en France demandent un
moratoire sur l’implantation des éoliennes. En Charente-Maritime, des
parlementaires, le Conseil départemental et de nombreux maires se sont exprimés
en ce sens. Cette demande est renforcée par la difficulté d’organiser la
concertation dans la période.
Notre association estime nécessaire un
moratoire de deux ans sur tous les projets éoliens, le temps d'élaborer un
nouveau projet énergétique de territoire, visant notamment à beaucoup plus de
sobriété dans la consommation d’énergie avant que de vouloir en produire plus.
Nous
aimerions que vous vous engagiez également dans ce sens. Ce serait un signe
positif pour la démocratie locale.
Une Agglomération respectueuse des élus et des 28 communes.
Les communes de la CDA, concernées par
des projets éoliens - Sainte-Soulle, Vérines, Saint-Médard, Bourgneuf, Thairé,
Montroy, La Jarrie…, ainsi que Longèves et Angliers- s’opposent aux projets
connus par la voix de leurs maires et/ou de leurs conseils municipaux. Des
maires non concernés directement ont déclaré refuser que l’on impose des
éoliennes aux habitants. Certains, favorables au départ, réalisent la gravité
des projets sur leur commune et s’y opposent fermement désormais.
Trouvez-vous démocratique de faire fi
des représentants élus des populations concernées ? Le Conseil communautaire
va-t-il se prononcer en opposant des élus à d’autres ? Des maires non
concernés directement, ainsi que les élus de La Rochelle, voteront-ils pour des
éoliennes…chez les autres ? Et quel sens aurait un vote, même majoritaire,
dans ces conditions au moment ou un « pacte de gouvernance » est
en débat ?
Dans Conseil communautaire, il y a
« communauté » comme vous aimez à le rappeler. Allez-vous prendre le
risque de cliver cette communauté d’élus, par ailleurs rassemblés sur de
nombreux projets ?
La
transition écologique doit être vertueuse et respectueuse.
Nous sommes convaincus que l’urgence
climatique est forte. Et même que les mesures prises jusqu’à présent sont très
loin du compte. Mais cette urgence ne peut se régler sur le dos des populations
rurales, sauf à accentuer encore la fracture entre habitants des villes et habitants
des champs ; ce qui ne serait pas sans conséquences sociales et
politiques.
Monsieur le président, prenez un peu de temps pour...
- Questionner l’implantation d’éoliennes qui est
peut-être une fausse bonne idée,
- Vérifier s’il est raisonnable d’implanter des
éoliennes pour au moins 40 ans (durée des baux de location de terres par les
promoteurs) si près des villages,
- Écouter les arguments des élus et des
associations opposés à ces projets,
- Demander au Préfet de suspendre tous les
projets en cours,
- Organiser de vrais débats entre élus et
habitants,
- Soutenir notre demande d’un moratoire.
Face à un risque de fracture accentuée entre habitants (et élus) du centre de l‘agglomération et ceux de la périphérie, notre association reste disponible pour toute concertation que vous voudrez bien organiser avant qu’il ne soit trop tard.
Soyez assuré, Monsieur le président, de
notre engagement pour l’environnement et le cadre de vie,
Philippe Deracourt,